Il s’appelle Roberto De Melo Santos mais pour des raisons artistiques il s’est fait surnommer Bob Di Melo puis, tout simplement, Di Melo. Né en 1949 à Recife, il est le fils d’Artur, un violoniste et de Gabriela, une chanteuse. « J’ai commencé la musique très tôt, raconte-t-il. « J’avais treize ans quand j’ai écrit ma première composition. Je peignais. Je chantais en m’accompagnant à la guitare. Après la messe, je faisais des concerts improvisés avec des amis. » Trois ans plus tard, il met pour la première fois les pieds à Sao Paulo, en compagnie de Vanderlei, l’organiste du célèbre chanteur Roberto Carlos. De retour à Recife, il joue dans une pièce de théâtre « Arame Farpado no Continente Perdido ». Le destin frappe alors sous la forme d’une rencontre avec Jorge Ben Jor. En cette année 1968, c’est la star du moment. Jorge Ben lui donne la carte de visite de son manager Roberto Colossi. « Je suis allé le voir à Sao Paulo. Roberto, qui s’occupait aussi de Chico Buarque de Holanda et de Wanderley Cardoso, est devenu mon parrain. Malheureusement, il est tombé malade. Il est mort prématurément. Je n’avais pas le choix. J’ai commencé à faire des concerts la nuit dans les bars de Sao Paulo. »Di Melo se nourrit aussi bien des musiques de Jorge Ben et Gilberto Gil, que des « yankees » James Brown, Elvis Presley, Jimi Hendrix, Paul Anka comme des genres musicaux de sa région, le Nordeste, comme le forro de Luiz Gonzaga ou de Jackson do Pandeiro. Un soir, au club le Jogral il participe à un concours organisé par la chanteuse Alaide Costa : « A cette occasion, le directeur d’EMI Odeon Moacir Meneghini Machado était présent. Il a beaucoup aimé ma musique et il m’a fait signer un contrat. » L’album Di Melo paraît en 1975, un classique disco funk influencé par le terroir du Nordeste, gravé en studio avec des musiciens chevronnés comme le génial claviériste albinos Hermeto Pascoal, également originaire de Recife, Heraldo Dumont au violon ou encore Claudio Beltrame à la basse électrique. Le processus de composition du morceau phare de l’album est un poème en soi. « Kilario, c’est une chanson particulière parce que c’était après une soirée arrosée. J’étais saoul. J’ai pris le Shinkansen, le TGV japonais. Je me suis retrouvé en train de planer dans un petit village que je ne connaissais pas. J’avais la nostalgie du pays. Le soleil était en train de se lever. Au Brésil, pour dire que la journée commence on a une expression « clareou o dia », mais comme j’étais éméché j’ai dit kilario au lieu de clareou. »C’est aussi au pays du soleil levant qu’il a composé « Minha Estrela », mon étoile. Sur les autres chansons écrites à Sao Paulo, comme « A vida em seus métodos diz calma » il parle de positivité. « Se o mundo acabasse em mel » est même un hymne à la « suavité ». « On devrait avoir un monde de miel, plutôt que d’être aigri avec du fiel »/ Quant à « Pernalonga », c’est une chanson tirée d’une anecdote vécue au Jogral qui ne manque pas de piquant : « Un percussionniste et joueur de berimbau, responsable de la programmation du club était jaloux de moi parce que quand il jouait il n’y avait pas grand monde. Moi, je remplissais la salle. Il faisait exprès de changer mes horaires. Les gens préféraient quand même me voir. La patronne, Alaide Costa, a dit au gars qu’il ne pouvait pas faire ça. Entre-temps, je suis allé au cinéma voir « Blow up ». Et j’ai écrit cette chanson sur ce gars qui m’embêtait. Ça a fini par une bagarre entre lui et moi. » D’après Di Melo, c’est l’autre qui aurait eu le dessous. L’album s’est écoulé à trois mille exemplaires. Il a même fallu en presser d’autres ! Mais le pire était à venir. Au début des années 90, après une soirée arrosée, il est victime d’un grave accident de moto. « Il y avait deux camions dans ma direction. Je suis tombé d’un pont. J’ai mis très longtemps à retrouver l’usage des membres de mon corps. À ce moment, la rumeur a couru que j’étais mort. Personne n’avait plus de mes nouvelles. » Disparu de la circulation, le chanteur resurgit en 1997 à travers un de ses titres présent dans la compilation de Blue note « Blue Brazil 2 ». Il raconte : « Il y a eu un mouvement de DJ en Angleterre qui ont joué mon album Di Melo. Ça a fait danser les gens qui se sont demandés : – D’où sort ce chanteur ? Que devient-il ? Certains disaient que j’étais mort, d’autres que j’étais parti du Brésil. DJ Paulao et DJ Samuca, deux DJ de Sao Paulo m’ont retrouvé à Pinheiros, le quartier de Sao Paulo où je vivais. Les Black Eyed Peas ont fait un clip au Brésil en 2010 « Don’t stop the party ». Lors d’une interview, on a demandé à Will I Am les artistes brésiliens qu’il aimait. Il m’a cité moi, et Jorge Ben. On voit Jorge Ben dans leur clip mais je n’ai pas été contacté pour y figurer. On aperçoit juste mon disque. Si ça se trouve, ils pensaient aussi que j’étais mort! »